Déclaration du Conseil permanent RESPECTER LA VIE HUMAINE EN SES COMMENCEMENTS Le gouvernement français a déposé un projet de loi relatif, en particulier, à linterruption volontaire de grossesse. Même sil est bien difficile de prendre des positions qui vont à lencontre de lidéologie dominante, des voix sélèvent pour dire que les mesures préconisées ne vont pas de soi, ni du point de vue médical, ni à cause de leurs implications psychologiques, familiales, sociales ou philosophiques. Peut-on espérer quelles seront entendues de ceux à qui il revient de prendre des décisions ? Peut-on oser espérer quon abordera à frais nouveaux la question même de linterruption volontaire de grossesse ? Une évaluation qui reste à faire Après 25 ans dapplication de la loi de 1975, en effet, on compte 200 000 avortements annuels pour près de 720 000 naissances. On pourrait sattendre à ce que la considération de tels chiffres entraîne un examen critique de la législation adoptée, de ses implications et de ses conséquences, en particulier dans la vie, le coeur, le corps des femmes qui ont subi lavortement. Au lieu de cela, les dispositions projetées ressemblent à une fuite en avant, qui non seulement écartent les objections graves des praticiens mais ancre un peu plus dans les mentalités lidée dun droit à lavortement. Lallongement du délai légal risque dentraîner une plus longue soumission dun certain nombre de femmes à la pression dun entourage qui veut quelles avortent. Faut-il ajouter que lalignement sur la pratique dautres pays européens nest en la circonstance pas forcément à lhonneur de la France ? Sil est un domaine où on se réjouirait que celle-ci saffirme différente, cest bien celui du respect inconditionnel de la vie et de la dignité humaines. La véritable liberté Tout le monde saccorde à reconnaître dans lavortement un traumatisme ou un acte grave. Mais alors lavortement relèverait-il dune fatalité ? Comment se fait-il quon semble dabord se préoccuper den faciliter laccès, alors que le premier problème est de tout faire pour quaucune femme ne puisse penser quelle na dautre solution que celle-là ? Parler de la liberté davorter est, à propos de beaucoup de femmes qui ont recours à lavortement, dune douloureuse ironie. Aider les femmes, cest agir de telle manière quelles aient la liberté daller au terme de leur grossesse. Cette liberté est souvent liée, pour une large part, à la manière dont le père accepte de prendre ses responsabilités. Il paraît être le grand absent de tout ce qui se dit à propos de lavortement. Sagit-il dun droit ? Le sens du projet de loi serait de « faire progresser à nouveau le droit des femmes à disposer de leur corps et à maîtriser leur fécondité ». Au delà du langage militant, de quel droit parle-t-on, puisque ce dont il sagit, cest de la mort de lenfant non encore né ? Au lieu de « disposer de leur corps », combien de femmes sont dépendantes de la volonté des hommes et abandonnées par la société à leur solitude et à leur désarroi ? Que deviennent-elles ensuite lorsquelles comprennent, avec le recul du temps, quon a répondu à leur détresse par la mort de leur enfant, lorsquelles portent de façon douloureuse le geste qui a inscrit la mort en leur corps ? Les mineures et leurs parents Le projet de loi comporte « laménagement de lobligation dautorisation parentale pour les mineures souhaitant avoir recours à lIVG ». On ne peut, certes, ignorer les difficultés familiales vécues par certaines des jeunes filles concernées. Mais quel signe va-t-on donner aux jeunes et à leurs parents ? Comment le drame caché pourra-t-il être ensuite assumé dans les relations familiales ? Il est dangereux de toucher, à partir dune situation dexception, au statut de la famille. En tous domaines, ce qui est capital, cest daider les parents à jouer leur rôle. Qui, par ailleurs, protégera les mineures du poids que lon fait peser sur elles en les pressant davoir recours à lavortement ? Le respect de la vie humaine Les circonstances présentes amènent à réfléchir à toutes sortes de questions de ce genre. Mais chacune delles renvoie au problème fondamental du respect de la vie humaine. « Lavortement provoqué est le meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il est effectué, dun être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance » (Jean-Paul II, Encyclique Evangelium vitae, 58). Faut-il le redire ? Un embryon représente le commencement dune vie dont lépanouissement, sil nest pas entravé, se traduira par la naissance dun enfant. Il nest pas dexistence humaine qui nait commencé ainsi. Dès lors, tout embryon humain appartient à lhumanité, à lensemble des êtres humains qui la constituent. Certes, beaucoup voudraient que ce caractère humain ne soit reconnu à lembryon quà partir dun certain stade. Mais lhumanité na pas le pouvoir de fixer des seuils dhumanité, et donc dexclure de lhumanité. « La seule probabilité de se trouver en face dune personne suffirait à justifier la plus nette interdiction de toute intervention conduisant à supprimer lembryon humain. [ ] LÉglise a toujours enseigné, et enseigne encore, quau fruit de la génération humaine, depuis le premier moment de son existence, doit être garanti le respect inconditionnel qui est moralement dû à lêtre humain dans sa totalité et dans son unité corporelle et spirituelle. [ ] lorsquil est encore dans le sein maternel comme de nombreux textes bibliques en témoignent , lhomme est lobjet le plus personnel de la providence amoureuse et paternelle de Dieu » (Evangelium vitae, 60-61). * * * Comment ne pas appeler une fois de plus tous ceux qui, en ce domaine, ont quelque pouvoir nous pensons en particulier aux responsables politiques à tout faire pour que les femmes enceintes en situation de précarité soient vraiment aidées, pour que toutes les femmes puissent trouver dautres solutions que lissue nullement fatale de lavortement ? Puisque malheureusement, nous le savons bien, des femmes ont recours à lavortement, nous encourageons vivement les personnes et les associations qui les aident, après quelles aient vécu ce drame, à retrouver un chemin destime delles-mêmes et damour de la vie humaine. Paris, le 11 octobre 2000 Le Président, Le Vice-Président, Cardinal Jean-Marie LUSTIGER Mgr Louis DUFAUX |