Plus de deux millions de jeunes étaient
rassemblés sur les pelouses de l'université de Rome, à Tor Vergata, pour la grande
veillée de prière avec le Saint-Père le samedi soir et la messe de clôture de ces
XVèmes journées mondiales de la jeunesse le dimanche 20 au matin. Le Pape est parti vers
12h00 après avoir récité l'Angelus avec l'assemblée.
La grande
veillée
Arrivée du Saint-Père à Tor Vergata pour la veillée.
Le Saint-Père arrive vers 20h00 en hélicoptère à Tor
Vergata. Après un tour, en papamobile, dans les allées du campus universitaire où
certains jeunes sont présents depuis 2h00 du matin, Jean-Paul II monte sur le podium
dressé pour l'occasion. Tonnerres d'applaudissements rythmés "Giovanni-paolo",
"clap clap-clap clap", et refrains déjà entendus lors des autres JMJ se
succèdent. Il lève les bras comme un lutteur. Quelques temps plus tard, il battra la
mesure sur le bras de son fauteuil, énergiquement. La veillée démarre avec l'hymne de
l'Emmanuel.
Homélie
du Saint-Père à la veillée du 19 août 2000
1. "Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui
suis-je?" (Mt 16, 15). Chers jeunes, c'est avec grande joie que je vous retrouve de
nouveau à l'occasion de cette veillée de prières, durant laquelle nous voulons nous
mettre ensemble à l'écoute du Christ, que nous sentons présent au milieu de nous. C'est
lui qui nous parle. "Et vous, que dites-vous? Pour vous, qui suis-je?" Jésus
pose cette question à ses disciples, dans les environs de Césarée de Philippe.
Simon-Pierre lui répond: "Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16, 16).
À son tour, le Maître lui adresse ces paroles surprenantes : "Heureux es-tu, Simon
fils de Yonas: ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père
qui est aux cieux"(Mt 16,17). Que signifie ce dialogue? Pourquoi Jésus veut-il
entendre ce que les hommes pensent de lui? Pourquoi veut-il savoir ce que ses disciples
pensent de lui? Jésus veut que les disciples se rendent compte de ce qui est né dans
leurs esprits et dans leurs curs et qu'ils expriment leurs convictions. Mais en
même temps il sait que le jugement qu'ils porteront ne sera pas seulement leur jugement,
parce que s'y révélera ce que Dieu aura mis dans leurs curs par la grâce de la
foi. Cet événement, près de Césarée de Philippe, nous introduit en un certain sens
dans "le laboratoire de la foi". Le mystère de la naissance et de la maturation
de la foi s'y révèle. Il y a d'abord la grâce de la révélation: Dieu qui se donne à
l'homme d'une façon intime, inexprimable. Il y a ensuite la demande d'une réponse à
donner. Enfin, il y a la réponse de l'homme, réponse qui devra désormais donner sens et
forme à toute sa vie. Voilà ce qu'est la foi! C'est la réponse de l'homme raisonnable
et libre à la parole du Dieu vivant. Les questions que pose le Christ, les réponses qui
sont données par les Apôtres, et à la fin par Simon Pierre, constituent comme une
vérification de la maturité de la foi de ceux qui sont les plus proches du Christ.
2. L'entretien près de Césarée de Philippe a eu
lieu avant Pâques, c'est-à-dire avant la Passion et la Résurrection du Christ. Il
faudrait rappeler encore un autre événement, pendant lequel le Christ, alors
ressuscité, vérifia la maturité de la foi de ses Apôtres. Il s'agit de la rencontre
avec l'Apôtre Thomas. Il était le seul à ne pas être présent lorsque, après la
Résurrection, le Christ vint pour la première fois au Cénacle. Quand les autres
disciples lui dirent qu'ils avaient vu le Seigneur, il ne voulut pas les croire. Il
disait: "Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon
doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne
croirai pas!" (Jn 20, 25). Huit jours après, les disciples se trouvaient de nouveau
réunis et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes closes, et il salua les
Apôtres en disant: "La paix soit avec vous!" (Jn 20, 26) et, tout de suite
après, il se tourna vers Thomas: "Avance ton doigt ici, et vois mes mains; avance ta
main, et mets-la dans mon côté: cesse d'être incrédule, sois croyant!" (Jn 20,
27). Thomas lui répondit alors: "Mon Seigneur et mon Dieu!" (Jn20, 28). Le
Cénacle de Jérusalem fut aussi pour les Apôtres une sorte de "laboratoire de la
foi". Toutefois, ce qui s'y est passé avec Thomas va, en un sens, au-delà de ce qui
est arrivé près de Césarée de Philippe. Au Cénacle, nous nous trouvons devant une
dialectique de la foi et de l'incrédulité la plus radicale, et, en même temps, devant
une proclamation plus profonde encore de la vérité sur le Christ. Il n'était vraiment
pas facile de croire que Celui qu'on avait mis au tombeau trois jours auparavant était de
nouveau vivant. Le divin Maître avait souvent annoncé qu'il ressusciterait d'entre les
morts et il avait souvent donné la preuve qu'il était le Seigneur de la vie. Et pourtant
l'expérience de sa mort avait été si forte que tous avaient besoin d'une rencontre
directe avec lui pour croire à la résurrection: les Apôtres au Cénacle, les disciples
sur la route d'Emmaüs, les saintes femmes près du tombeau... Thomas, lui aussi, en avait
besoin. Mais lorsque son incrédulité eut fait l'expérience directe de la présence du
Christ, l'Apôtre qui doutait prononça ces mots dans lesquels s'exprime le noyau le plus
intime de la foi: s'il en est ainsi, si Tu es vraiment vivant tout en ayant été mis à
mort, cela veut dire que tu es "mon Seigneur et mon Dieu". Dans ce qui est
arrivé à Thomas, le "laboratoire de la foi" s'est enrichi d'un nouvel
élément. La Révélation divine, la question du Christ et la réponse de l'homme ont eu
leur achèvement dans la rencontre personnelle du disciple avec le Christ vivant, avec le
Ressuscité. Cette rencontre est devenue le début d'une nouvelle relation entre l'homme
et le Christ, une relation où l'homme reconnaît existentiellement que le Christ est
Seigneur et Dieu; non seulement Seigneur et Dieu du monde et de l'humanité, mais Seigneur
et Dieu de mon existence humaine concrète. Un jour, saint Paul écrira: "La Parole
est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cur. Cette Parole, c'est le
message de la foi que nous proclamons. Donc, si tu affirmes de ta bouche que Jésus est
Seigneur, si tu crois dans ton cur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, alors
tu seras sauvé" (Rm 10, 8-9).
3. Dans les lectures de la liturgie d'aujourd'hui,
nous trouvons décrits les éléments dont se compose ce "laboratoire de la
foi", d'où les Apôtres sortiront en hommes pleinement conscients de la vérité que
Dieu avait révélée en Jésus Christ, vérité qui allait modeler leur vie personnelle
et celle de l'Église au cours de l'histoire. Notre rencontre d'aujourd'hui à Rome, chers
jeunes, est aussi une sorte de "laboratoire de la foi" pour vous, disciples
d'aujourd'hui, pour ceux qui croient au Christ au seuil du troisième millénaire. Chacun
de vous peut retrouver en lui-même la dialectique des questions et des réponses que nous
venons de souligner. Chacun peut mesurer ses propres difficultés à croire et aussi
éprouver la tentation de l'incrédulité. Mais en même temps il peut faire l'expérience
d'une maturation progressive dans la conscience et dans la conviction de sa propre
adhésion de foi. Toujours, en effet, dans cet admirable laboratoire de l'esprit humain,
le laboratoire de la foi, Dieu et l'homme se rencontrent l'un l'autre. Sans cesse, le
Christ Ressuscité entre dans le Cénacle de notre vie et permet à chacun de faire
l'expérience de sa présence et de proclamer: Ô Christ, tu es "mon Seigneur et mon
Dieu!" Le Christ dit à Thomas : "Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux
qui croient sans avoir vu" (Jn 20, 29). Tout être humain a en lui quelque chose de
l'Apôtre Thomas. Il est tenté par l'incrédulité et pose les questions de fond: Est-il
vrai que Dieu existe? Est-il vrai que le monde a été créé par lui? Est-il vrai que le
Fils de Dieu s'est fait homme, est mort et est ressuscité? La réponse s'impose avec
l'expérience que la personne fait de sa présence. Il faut ouvrir ses yeux et son
cur à la lumière de l'Esprit Saint. Alors, les blessures ouvertes du Christ
Ressuscité parleront à chacun: "Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui
croient sans avoir vu".
4. Chers amis, aujourd'hui encore, croire en Jésus,
suivre Jésus sur les pas de Pierre, de Thomas, des premiers Apôtres et témoins, exige
de prendre position pour lui, et il n'est pas rare que ce soit comme un nouveau martyre:
le martyre de celui qui, aujourd'hui comme hier, est appelé à aller à contre-courant
pour suivre le divin Maître, pour suivre "l'Agneau partout où il va" (Ap 14,
4). Ce n'est pas par hasard, chers jeunes, que j'ai voulu que pendant l'Année sainte on
fasse mémoire, près du Colisée, des témoins de la foi du XXe siècle. Il ne vous sera
peut-être pas demandé de verser votre sang, mais de garder la fidélité au Christ, oui
certainement! Une fidélité à vivre dans les situations quotidiennes: je pense aux
fiancés et à leur difficulté de vivre dans la pureté, au sein du monde actuel, en
attendant de se marier. Je pense aux jeunes couples et aux épreuves auxquelles est
exposé leur engagement de fidélité réciproque. Je pense aux relations entre amis et à
la tentation de manquer de loyauté qui peut s'insinuer entre eux. Je pense aussi à ceux
qui ont entrepris un chemin de consécration particulière et aux efforts qu'ils doivent
souvent affronter pour persévérer dans le don de soi à Dieu et à leurs frères. Je
pense encore à ceux qui veulent vivre des rapports de solidarité et d'amour dans un
monde où il ne semble y avoir d'autres valeurs que la logique du profit et de l'intérêt
personnel ou de groupe. Je pense encore à ceux qui uvrent pour la paix et qui
voient naître et se développer, dans différentes parties du monde, de nouveaux foyers
de guerre; je pense à ceux qui uvrent pour la liberté de l'homme et qui le voient
encore esclave de lui-même et des autres; je pense à ceux qui luttent pour faire aimer
et respecter la vie humaine et qui doivent assister aux nombreuses atteintes portées
contre elle et contre le respect qu'on lui doit.
5. Chers jeunes, dans un tel monde, est-il difficile
de croire? En l'an 2000, est-il difficile de croire? Oui, c'est difficile! On ne peut pas
le nier. C'est difficile, mais avec l'aide de la grâce c'est possible, comme Jésus
l'expliqua à Pierre: "Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela,
mais mon Père qui est aux cieux" (Mt 16, 17). Ce soir, je vais vous remettre
l'Évangile. C'est le don que le Pape vous fait en cette veillée inoubliable. La parole
qu'il contient est la parole de Jésus. Si vous l'écoutez en silence, dans la prière, en
vous faisant aider par les sages conseils de vos prêtres et de vos éducateurs, afin de
la comprendre pour votre vie, vous rencontrerez le Christ et vous le suivrez, engageant
jour après jour votre vie pour lui! En réalité, c'est Jésus que vous cherchez quand
vous rêvez de bonheur; c'est lui qui vous attend quand rien de ce que vous trouvez ne
vous satisfait; c'est lui, la beauté qui vous attire tellement; c'est lui qui vous
provoque par la soif de radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis;
c'est lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie; c'est lui qui
lit dans vos curs les décisions les plus profondes que d'autres voudraient
étouffer. C'est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose
de grand, la volonté de suivre un idéal, le refus de vous laisser envahir par la
médiocrité, le courage de vous engager avec humilité et persévérance pour vous rendre
meilleurs, pour améliorer la société, en la rendant plus humaine et plus fraternelle.
Chers jeunes, face à cette noble tâche, vous n'êtes pas seuls. Avec vous, il y a vos
familles, vos communautés, vos prêtres et vos éducateurs, il y a aussi tous ceux, et
ils sont nombreux, qui, de façon cachée, ne se lassent pas d'aimer le Christ et de
croire en lui. Dans la lutte contre le péché, vous n'êtes pas seuls: beaucoup luttent
comme vous et triomphent avec la grâce du Seigneur!
6. Chers amis, à l'aube du troisième millénaire,
je vois en vous les "sentinelles du matin" (cf. Is 21, 11-12). Au cours du
siècle qui s'achève, des jeunes comme vous étaient appelés, dans d'immenses
rassemblements, pour apprendre la haine, et ils étaient envoyés pour se battre les uns
contre les autres. Les différents messianismes séculiers, qui ont tenté de se
substituer à l'espérance chrétienne, se sont révélés ensuite de véritables enfers.
Aujourd'hui, vous êtes venus ici pour affirmer que, dans le nouveau siècle, vous
n'accepterez pas d'être des instruments de violence et de destruction; que vous
défendrez la paix, en payant de votre personne si nécessaire. Vous ne vous résignerez
pas à un monde où d'autres hommes meurent de faim, restent analphabètes ou manquent de
travail. Vous défendrez la vie à tous les instants de son développement ici-bas, vous
vous efforcerez de toute votre énergie de rendre cette terre toujours plus habitable pour
tous. Chers jeunes du siècle qui commence, en disant "oui" au Christ, vous
dites "oui" à chacun de vos plus nobles idéaux. Je prie pour que le Christ
règne dans vos curs et dans l'humanité du nouveau siècle et du nouveau
millénaire. N'ayez pas peur de vous en remettre à lui. Il vous guidera, il vous donnera
la force de le suivre chaque jour et en toute situation. Que la Vierge Marie, qui toute sa
vie a dit "oui" à Dieu, que les saints Apôtres Pierre et Paul, et que tous les
Saints et Saintes qui, à travers les siècles, ont marqué le cheminement de l'Église,
vous aident toujours dans ces bonnes dispositions! À tous et à chacun, je donne avec
affection ma Bénédiction. |
La messe
de clôture
Arrivée du Saint-Père vers 8h30 sur le campus de Tor
Vergata pour la messe de clôture puis l'Angelus.
Homélie
du Saint-Père pour la messe de clôture du 20 août 2000
1. "Seigneur, vers qui pourrions-nous aller? Tu
as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6, 68). Chers jeunes des quinzièmes
Journées mondiales de la Jeunesse! Ces paroles de Pierre, dans le dialogue avec le Christ
à la fin du discours sur le "pain de vie", nous touchent personnellement. Ces
jours-ci, nous avons médité sur l'affirmation de Jean: "Le Verbe s'est fait chair,
il a habité parmi nous" (Jn 1, 14). L'évangéliste nous a reportés au grand
mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu, le Fils qui nous a été donné par Marie
"lorsque les temps furent accomplis" (Ga 4, 4). En son nom, une fois encore je
vous salue tous avec affection. Je salue et je remercie le Cardinal Camillo Ruini, mon
Vicaire général pour le diocèse de Rome, Président de la Conférence épiscopale
italienne, pour les paroles qu'il a bien voulu m'adresser au début de cette messe; je
salue aussi le Cardinal James Francis Stafford, Président du Conseil pontifical pour les
Laïcs, et les nombreux Cardinaux, Évêques et prêtres réunis ici; je salue de même
avec déférence et gratitude Monsieur le Président de la République et le Chef du
Gouvernement italien, ainsi que toutes les autres Autorités civiles et religieuses qui
nous honorent de leur présence.
2. Nous sommes arrivés au sommet des Journées
mondiales de la Jeunesse. Hier soir, chers jeunes, nous avons confirmé notre foi en
Jésus Christ, le Fils de Dieu que le Père a envoyé, comme nous l'a rappelé la
première lecture d'aujourd'hui, pour "porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir
ceux qui ont le cur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs
la liberté,... consoler tous ceux qui pleurent" (Is 61, 1-2). Par la célébration
eucharistique d'aujourd'hui, Jésus nous introduit dans la connaissance d'un aspect
particulier de son mystère. Nous avons écouté dans l'Évangile un passage du discours
qu'il a prononcé dans la synagogue de Capharnaüm, après le miracle de la multiplication
des pains. Dans ce discours, Jésus se révèle comme le vrai pain de la vie, le pain
descendu du ciel pour donner la vie au monde (cf. Jn 6, 51). C'est un discours que les
auditeurs ne comprennent pas. La perspective dans laquelle ils se situent est trop
matérielle pour pouvoir saisir la véritable intention du Christ. Ils raisonnent dans une
perspective charnelle, qui "n'est capable de rien" (Jn 6, 63). Jésus, au
contraire ouvre son discours sur les horizons sans limites de l'esprit: "Les paroles
que je vous ai dites - insiste-t-il - sont esprit et elles sont vie" (ibid.). Mais
les auditeurs y sont insensibles: "Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas
continuer à l'écouter!" (Jn 6, 60). Ils s'estiment personnes de bon sens, avec les
pieds sur terre. C'est pourquoi ils hochent la tête et, tout en gromelant, ils s'en vont
les uns après les autres. La foule du début se réduit progressivement. À la fin, il
reste seulement le petit groupe restreint des disciples les plus fidèles. Mais sur
"le pain de la vie", Jésus n'est pas disposé à transiger. Il est plutôt
prêt à s'exposer à l'abandon même des plus intimes: "Voulez-vous partir, vous
aussi?" (Jn 6, 67).
3. "Vous aussi?" La question du Christ
enjambe les siècles et parvient jusqu'à nous, elle nous interpelle personnellement et
sollicite une décision. Quelle est notre réponse? Chers jeunes, si nous sommes ici
aujourd'hui, c'est parce que nous nous reconnaissons dans l'affirmation de l'Apôtre
Pierre: "Seigneur, vers qui pourrions-nous aller? Tu as les paroles de la vie
éternelle" (Jn 6, 68). Des paroles, il en résonne beaucoup autour de vous, mais
seul le Christ a des paroles qui résistent à l'usure du temps et qui demeurent pour
l'éternité. La période actuelle de votre vie vous impose des choix décisifs: la
spécialisation dans les études, l'orientation dans le travail, l'engagement même à
assumer dans la société et dans l'Église. Il est important de se rendre compte que,
parmi les nombreuses questions qui se présentent à votre esprit, celles qui sont
décisives ne concernent pas le "quoi". La question de fond est "qui":
vers "qui" aller, "qui" suivre, "à qui" confier sa vie.
Vous pensez à votre choix affectif, et j'imagine que vous êtes bien d'accord: ce qui
compte vraiment dans la vie c'est la personne avec laquelle on décide de la partager.
Mais attention! Toute personne humaine est inévitablement limitée: même dans le mariage
le plus réussi, on ne peut pas ne pas prendre en compte une certaine dose de déception.
Eh bien, chers amis, n'y a-t-il pas en cela la confirmation de ce que nous avons entendu
de l'Apôtre Pierre? Tout être humain en vient tôt ou tard à s'écrier avec lui:
"Vers qui pourrions-nous aller? Tu as les paroles de la vie éternelle". Seul
Jésus de Nazareth, le Fils de Dieu et le Fils de Marie, le Verbe éternel du Père né il
y a deux mille ans à Bethléem de Juda, est en mesure de satisfaire les aspirations les
plus profondes du cur humain. Dans la question de Pierre: "Vers qui
pourrions-nous aller?", il y a déjà la réponse concernant le chemin à parcourir.
C'est le chemin qui conduit au Christ. Et le divin Maître peut être rejoint
personnellement: en effet, il est présent sur l'autel dans la réalité de son corps et
de son sang. Dans le sacrifice eucharistique, nous pouvons entrer en contact, de façon
mystérieuse mais réelle, avec sa personne, puisant à la source inépuisable de sa vie
de Ressuscité.
4. Telle est la merveilleuse vérité, chers amis:
le Verbe, qui s'est fait chair il y a deux mille ans, est présent aujourd'hui dans
l'Eucharistie. C'est pourquoi l'année du grand Jubilé, au cours de laquelle nous
célébrons le mystère de l'Incarnation, ne pouvait pas ne pas être aussi une année
"intensément eucharistique" (cf. Lettre apostolique Tertio millennio
adveniente, n.55). L'Eucharistie est le sacrement de la présence du Christ qui se donne
à nous parce qu'il nous aime. Il aime chacun de nous de façon personnelle et unique dans
la vie concrète de chaque jour: dans la famille, parmi les amis, dans les études et au
travail, dans le repos et dans les distractions. Il nous aime quand il remplit de
fraîcheur les journées de notre existence et aussi quand, à l'heure de la souffrance,
il permet que l'épreuve s'abatte sur nous: en effet, même à travers les épreuves les
plus dures, il nous fait entendre sa voix. Oui, chers amis, le Christ nous aime et il nous
aime toujours! Il nous aime même lorsque nous le décevons, quand nous ne correspondons
pas à ses attentes à notre égard. Il ne nous ferme jamais les bras de sa miséricorde.
Comment ne pas être reconnaissant envers ce Dieu qui nous a rachetés en allant jusqu'à
la folie de la Croix? Envers ce Dieu qui s'est mis de notre côté et qui y est demeuré
jusqu'au bout ?
5. Célébrer l'Eucharistie "en mangeant sa
chair et en buvant son sang" signifie accepter la logique de la croix et du service.
Cela signifie donc témoigner de sa propre disponibilité à se sacrifier pour les autres,
comme il l'a fait lui-même. Notre société a un immense besoin de ce témoignage, les
jeunes en ont besoin plus que jamais, eux qui sont souvent tentés par les mirages d'une
vie facile et confortable, par la drogue et l'hédonisme, pour se trouver ensuite dans la
spirale du désespoir, du non-sens, de la violence. Il est urgent de changer de route en
direction du Christ, qui est aussi la direction de la justice, de la solidarité, de
l'engagement pour une société et un avenir dignes de l'homme. Telle est notre
Eucharistie, telle est la réponse que le Christ attend de nous, de vous, les jeunes, en
conclusion de votre Jubilé. Jésus n'aime pas les demi-mesures, et il n'hésite pas à
nous bousculer avec sa question: "Voulez-vous partir, vous aussi?" Avec Pierre,
devant le Christ, Pain de vie, nous aussi, aujourd'hui, nous voulons redire:
"Seigneur, vers qui pourrions-nous aller? Tu as les paroles de la vie
éternelle" (Jn 6, 68).
6. Chers amis, en rentrant dans vos pays, mettez
l'Eucharistie au centre de votre vie personnelle et communautaire : aimez-la, adorez-la,
célébrez-la, surtout le dimanche, jour du Seigneur. Vivez l'Eucharistie en témoignant
de l'amour de Dieu pour les hommes. Chers amis, je vous confie ce qui est le plus grand
don que Dieu nous ait fait, à nous pèlerins sur les routes du temps, mais portant dans
le cur la soif de l'éternité. Puissiez-vous avoir toujours, dans chaque
communauté, un prêtre qui célèbre l'Eucharistie! C'est pourquoi je demande au Seigneur
que fleurissent parmi vous de nombreuses et saintes vocations au sacerdoce. L'Église a
besoin d'hommes qui célèbrent aujourd'hui, avec un cur pur, le sacrifice
eucharistique. Le monde a besoin de ne pas être privé de la présence douce et
libératrice de Jésus vivant dans l'Eucharistie! Soyez vous-mêmes des témoins fervents
de la présence du Christ sur nos autels. Que l'Eucharistie façonne votre vie, la vie des
familles que vous formerez! Qu'elle oriente tous vos choix de vie! Que l'Eucharistie,
présence vivante et réelle de l'amour trinitaire de Dieu, vous inspire des idéaux de
solidarité et vous fasse vivre en communion avec vos frères disséminés en tous lieux
de la planète! Que de la participation à l'Eucharistie, en particulier, jaillisse une
nouvelle floraison de vocations à la vie religieuse, afin d'assurer dans l'Église la
présence de forces fraîches et généreuses pour la grande tâche de la nouvelle
évangélisation! Si l'un ou l'une de vous, chers garçons et filles, entend l'appel du
Seigneur à se donner totalement à lui pour l'aimer "d'un cur sans
partage" (cf. 1 Co 7, 34), qu'il ne se laisse pas arrêter par le doute ou par la
peur! Qu'il dise avec courage son "oui" sans réserve, en se confiant à Celui
qui est fidèle en toutes ses promesses! N'a-t-il pas promis, à ceux qui ont tout laissé
pour lui, le centuple ici-bas et ensuite la vie éternelle(cf. Mc 10, 29-30)?
7. Au terme des ces Journées mondiales, en vous
regardant, en regardant vos jeunes visages, votre enthousiasme sincère, je veux exprimer,
du fond du cur, un profond merci à Dieu pour le don de la jeunesse, qui par vous
demeure dans l'Église et dans le monde. Merci à Dieu pour le chemin des Journées
mondiales de la Jeunesse! Merci à Dieu pour les nombreux jeunes qui se sont engagés tout
au long de ces seize années! Ce sont des jeunes qui maintenant, devenus adultes,
continuent à vivre dans la foi là où ils habitent et ils travaillent. Je suis sûr que
vous aussi, chers amis, vous serez à la hauteur de ceux qui vous ont précédés. Vous
porterez l'annonce du Christ dans le nouveau millénaire. En rentrant chez vous, ne vous
dispersez pas. Confirmez et approfondissez votre adhésion à la communauté chrétienne
à laquelle vous appartenez. De Rome, de la Ville de Pierre et de Paul, le Pape vous
accompagne avec affection et, paraphrasant une expression de sainte Catherine de Sienne,
il vous dit: "Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde
entier!" (cf. Lettre 368). Je regarde avec confiance cette nouvelle humanité qui se
prépare par vous, je regarde cette Église sans cesse rajeunie par l'Esprit du Christ et
qui aujourd'hui se réjouit de vos résolutions et de votre engagement. Je regarde vers
l'avenir et je fais miennes les paroles d'une prière ancienne, qui chante à la fois le
don de Jésus, de l'Eucharistie et de l'Église:
" Nous te rendons grâce, notre Père pour la
vie et la connaissance que tu nous as fait découvrir par Jésus, ton serviteur. À toi la
gloire pour les siècles ! Comme ce pain rompu, qui était dispersé sur les montagnes et
les collines, a été rassemblé pour ne plus faire qu'un, ainsi que ton Église soit
rassemblée des extrémités de la terre dans ton Royaume... C'est toi, Maître
tout-puissant, qui as créé l'univers, pour la gloire de ton Nom, qui as donné aux
hommes nourriture et boisson pour qu'ils en jouissent, afin qu'ils te rendent grâce. Mais
nous, tu nous as gratifiés d'une nourriture et d'une boisson spirituelles et de la vie
éternelle, par ton Serviteur... À toi la gloire pour les siècles ! " (Didachè 9,
3-4; 10, 3-4).
Amen. |
Discours du Saint-Père pour
l'Angelus du 20 août 2000
Au terme de cette célébration eucharistique, notre
pensée se tourne vers la "Femme" dont saint Paul nous a parlé dans la
deuxième lecture de la Messe (Ga 4, 4), la Vierge Marie, dont nous avons fêté
l'Assomption en même temps que nous commencions ces quinzièmes Journées mondiales de la
Jeunesse. Par sa présence attentive et maternelle, Marie a guidé ces journées romaines
marquées par une intense expérience de foi. Nous voulons lui dire toute notre gratitude
pour son "oui" qui a déterminé le commencement de l' "aventure" de
la Rédemption.
Je demande à la Vierge sainte de veiller sur les
jeunes, garçons et filles, du monde entier et je vous remercie tous cordialement d'avoir
pris part aux quinzièmes Journées mondiales de la Jeunesse.
Je salue et je remercie tout d'abord ceux qui ont
organisé cet événement: le Conseil pontifical pour les Laïcs, dirigé par le Cardinal
James Francis Stafford; le Vicariat de Rome et la Conférence épiscopale italienne, que
préside le Cardinal Camillo Ruini; le Président et les membres du Comité italien pour
les quinzièmes Journées mondiales de la Jeunesse, comme aussi les communautés
paroissiales de Rome et des diocèses limitrophes, leurs associations, leurs mouvements et
leurs groupes qui depuis trois ans environ ont prié et travaillé avec enthousiasme pour
préparer cet événement. Je demande à tous de ne pas laisser se perdre ce riche
patrimoine de bien qu'a produit leur travail commun.
Mes remerciements s'adressent également aux
Autorités publiques, qui se sont grandement dépensées pour faire en sorte que
l'organisation complexe des Journées mondiales de la Jeunesse fonctionne le mieux
possible.
Enfin, je veux saluer les nombreux Cardinaux et
Évêques présents, les prêtres, les religieuses et religieux, les éducateurs et vous
tous, jeunes du monde, "ma joie et ma couronne" (Ph 4, 1).
Avant de dissoudre cette grande et belle assemblée,
je désire annoncer que la prochaine rencontre mondiale des jeunes aura lieu à Toronto,
au Canada, au cours de l'été 2002. J'invite dès maintenant les jeunes du monde à se
mettre en route vers cet objectif, et j'adresse un salut particulier aux membres de la
délégation canadienne, qui ont voulu être présents à notre célébration pour
recevoir leur ordre de mission. Sur eux et sur l'engagement qu'ils assument aujourd'hui,
j'invoque la protection de la Vierge sainte. |
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