LE MAGISTERE ET LE MOINDRE MAL
I) GENERALITES SUR LE MOINDRE MAL
Un "moindre mal" est un mal moindre par rapport à un mal plus grand, mais il demeure toujours un mal ! Dévaliser une banque est un mal que I'on n'aura jamais moralement le droit daccomplir. Voler et tuer le banquier est un mal plus grave. Voler sans tuer serait donc faire un moindre mal par rapport au second mal, mais cette action demeure un mal, un acte intrinsèquement désordonné que le 7ème commandement de Dieu proscrit absolument.
II y a aussi, en face dun agresseur, la possibilité de tolérer un moindre mal pour éviter un mal plus grave. II est enseigné en morale que I'on peut, par exemple, " aider " un voleur à voler pour éviter dêtre tué par lui. Une femme peut tolérer dêtre violée plutôt que dêtre tuée ou de se suicider.
II) LE MOINDRE MAL ET LA CONTRACEPTION DANS LA PENSEE DU MAGISTERE
Paul VI, dans " Humanae Vitae ", au numéro 14, a explicitement abordé la question du moindre mal: " En vérité, sil est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin déviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire la mal afin qu'il en résulte un bien (cf.. Rm 3, 8), c'est-à-dire de prendre comme objet d'un acte positif de la volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et par conséquent une chose indigne de la personne humaine, même avec I'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux ".
Le contexte de I'Encyclique montre clairement la pensée de Paul VI: les époux ne peuvent pas librement choisir le soi-disant moindre mal que serait la contraception. Des époux, par contre, peuvent tolérer les désordres de leur conjoint, tout en leur manifestant, cependant, qu'ils ne les approuvent pas et n'y collaborent que par contrainte morale.
Jean-Paul II a repris I'enseignement de Paul VI et a montré quil était absolu. Le Saint-Père sait bien, cependant qu'existe la casuistique, c'est-à-dire qu'il peut toujours exister des cas de conscience, particuliers, extraordinaires, qui ont besoin dêtre jugés non pas pour créer une jurisprudence générale, mais simplement pour aider à discerner ce qu'il faut moralement ou faire ou tolérer dans ce cas exceptionnel.
Dans le numéro 80 de " Veritatis Splendor ", Jean-Paul II a rappelé la doctrine morale de I'Eglise selon laquelle existaient des actes intrinsèquement mauvais que I'on n'avait jamais le droit daccomplir librement. Les actes intrinsèquement mauvais sont ceux qui sont interdits par les commandements de Dieu formulés négativement. Ces commandements obligent toujours et pour toujours.
Sur cette question de la contraception, Jean-Paul II avait été très explicite pour le 20ème anniversaire d" Humanae Vitae ", en 1988. Pour lui, la loi promulguée par Paul VI ne souffrait aucune exception. C'était clair, c'est pourquoi malheureusement beaucoup de théologiens moralistes ont protesté.
III) CONSEQUENCES POUR LAME SPIRITUELLE DU CHOIX ECLAIRE DUN ACTE INTRINSEQUEMENT MAUVAIS, MEME SIL POURRAIT ETRE DIT MOINDRE MAL
Jean-Paul II, dans lEncyclique " Veritatis Splendor " a voulu faire comprendre, tout de suite après avoir parlé des actes intrinsèquement mauvais, quelles étaient les graves conséquences, pour lâme, du choix volontaire de tels actes intrinsèquement désordonnés : " En montrant lexistence dactes intrinsèquement mauvais, lEglise reprend la doctrine de lEcriture Sainte. LApôtre Paul laffirme catégoriquement : " Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de murs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus quivrognes, insulteurs ou rapaces, nhériteront du Royaume de Dieu " " (1 Co 6, 9-10).
Il a tiré cette conclusion : " De ce fait, les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte " subjectivement " honnête ou défendable comme choix " (VS 81).
IV) LETAT ET LE MOINDRE MAL
Le Magistère sest encore prononcé sur le moindre mal dans linstruction " Donum Vitae ", en 1987. Un Etat na pas le droit de faire un moindre mal, en votant des lois contraires à la Loi naturelle par exemple. Il ne peut que tolérer ce quil ne peut interdire.
V) LE MOINDRE MAL DANS LA PREVENTION DU SIDA
Abordons la difficile question morale tant controversée actuellement : le préservatif en vue de la prévention du sida. Tous les moralistes qui connaissent " Humanae Vitae " et les enseignements de Jean-Paul II savent que le Magistère sest prononcé sur le caractère intrinsèquement mauvais du préservatif en tant que contraceptif.
Peut-on tolérer son emploi pour éviter la contagion du sida ?
Le Magistère a été clair pour la loi générale : le préservatif ne peut pas être considéré comme moyen de prévention du sida.
Tous les moralistes devraient être daccord pour dire que lenseignement du Magistère est explicite pour dire que le préservatif ne peut pas être admis comme moyen de prévention du sida. Jean-Paul II a été clair en plusieurs occasions. On a bien compris quil considérait que lon ne pouvait jamais considérer quil était moral dutiliser le préservatif, puisque certains lont accusé dêtre assassin, parce quen refusant lusage du préservatif il serait responsable de lexpansion du sida du fait que les personnes ne se " protègeraient " pas.
Rome a été très explicite lors de la Conférence du Caire et de Pékin pour dire que le Saint-Siège ne saurait en aucun cas approuver la contraception ou lusage de préservatifs comme mesure de planification familiale ou dans les programmes de prévention du H.I.V/Sida (Réserves et déclaration dinterprétation du Saint-Siège n°5).
2) Le Magistère semble avoir été clair pour dire implicitement et pratiquement explicitement que le préservatif en tant que moindre mal ne pourrait jamais être admis moralement
Le préservatif pourrait être, même en demeurant un moyen intrinsèquement désordonné et donc un mal grave, un moindre mal pour celui qui ne voudrait absolument pas suivre les règles morales et qui poserait de toutes manières un acte sexuel désordonné si - et uniquement si il était fiable. Or les scientifiques compétents sont obligés de constater qu'il ne lest pas.
Voici ce que disait Monseigneur Sgreccia, il y a quelque semaines, après la présentation du texte de Rome sur léducation sexuelle des enfants : " Mais qui donc publie les résultats les plus récents des recherches scientifiques internationales sur le préservatif et le sida dont les plus optimistes concluent à un taux déchec de 16% et les plus pessimistes à un taux de déchec de 30% " (Famille Chrétienne 942, 1-2-1996). Limportant texte du Conseil Pontifical pour la Famille, du 8 décembre 1995 dit explicitement au numéro 139 : " Les parents doivent refuser la promotion de ce soi-disant " sexe sûr " ou " sexe plus sûr ", qui vient dune politique dangereuse et immorale, basée sur lillusion que le préservatif donne une protection adéquate contre le sida ". Rome na pas écrit cela à la légère mais après consultation des spécialistes en la matière. Le préservatif est donc, pour le Magistère ordinaire actuel, une imparfaite protection parce quil nest pas fiable.
Le professeur Lestradet, dans la Conférence aux moniteurs Billings à Antony, en avril 1995, avait affirmé catégoriquement quil ny avait quun seul moyen totalement efficace pour un sidéen de ne pas transmettre le sida : la continence absolue.
La Tradition morale et spirituelle de lEglise demande dêtre " tutioriste " = cest-à-dire de choisir le parti le plus sûr dans tous les cas graves. Or, ici nous nous trouvons dans un cas grave, puisquil sagit de conséquence catastrophique et particulièrement grave : la transmission du virus mortel. Il faut donc absolument être " tutioriste ". Il nest absolument pas moral de poser un acte qui risque de transmettre la mort, même sil ny a que 16% de risques de la transmettre. Sil ny avait qu1% de risque de la transmettre, la morale nous exigerait de ne pas transmettre la mort.
Lopinion morale : " Tu ne dois pas tuer ", donc tu dois prendre un préservatif si tu as décidé de faire un acte immoral, ne vaut pas pour ce cas puisque le préservatif, de fait, transmettra la mort dans certains cas !
La prudence morale nous interdit, en tant que conseiller spirituel, de conseiller à un sidéen de poser un acte sexuel avec préservatif. Nous ne pouvons pas lui conseiller de faire un mal intrinsèquement désordonné du point de vue de la morale sexuelle et du point de vue du 5ème commandement. En outre que dirons-nous aux parents du jeune qui aurait été contaminé par le sida à la suite de notre conseil ?
Quels conseils devons-nous donner ?
Nous sommes tenus de rappeler les commandements de Dieu et linterprétation authentique quen donne lEglise. Les commandements formulés négativement ne peuvent pas être transgressés, si lon veut demeurer dans la Grâce de Dieu et faire son salut. Un sidéen qui voudrait poser un acte homosexuel gravement désordonné est tenu, en conscience, dobéir à 2 commandements qui lobligent absolument : le 5ème : " Tu ne commettras pas de meurtre " et le 6ème : " Tu ne commettras pas dadultère ". LEglise déclare que lacte homosexualité est gravement désordonné et que tout acte sexuel en dehors du cadre du mariage est intrinsèquement mauvais.
Nous devons dire également que le salut éternel de celui qui choisit délibérément un acte gravement désordonné est compromis sil ne se convertit pas. Nous pourrions rappeler que la petite Jacinthe a dit que cétait le péché dimpureté qui entraînait le plus dâmes en enfer. Jacinthe navait que 7 ans lorsque le Sainte Vierge lui est apparue en 1917 à Fatima. Elle ne savait pas ce que signifiait le mot impureté.
Nous pouvons enfin essayer de demander à celui qui vient nous rencontrer de regarder, contempler Jésus dans sa flagellation. Thérèse dAvila sest définitivement convertie en contemplant ainsi Jésus. Notre interlocuteur pourra comprendre, lui-aussi, combien Jésus nous a aimés pour accepter de souffrir tout ce quIl a souffert à la Passion et particulièrement dans sa flagellation. Il comprendra aussi quIl est aimé personnellement, tel quil est, par Jésus et que, sil prie et douvre à sa grâce, il pourra vivre selon ses commandements.
Il est possible pour tous de vivre la chasteté. Le texte de Rome le dit clairement au numéro 19. Cela est conforme à la Tradition de lEglise comme le rappelait Pie XII dans un discours à des sages-femmes (DC n°1109 du 2-12-1951) : pour les cas graves où toute maternité est absolument à proscrire, une seule voie restait ouverte : " labstention de toute activité complète de la faculté naturelle " (38). Le Saint-Père était conscient de lobjection : une telle abstention est impossible et nul nest tenu à limpossible ! " Dieu noblige pas à limpossible. Mais Dieu oblige les époux à la continence si leur union ne peut saccommoder selon les règles de la nature. Donc, en ce cas, la continence est possible. Nous avons comme confirmation de ce raisonnement la doctrine du Concile de Trente : " Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant, il exhorte, et à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas, et il taide afin que tu puisses le faire " " (10).
Conclusion : Le préservatif en tant que moindre mal ne peut pas être moralement admis puisque les études scientifiques récentes montrent quil nest pas fiable et que le Magistère ordinaire enseigne quil est possible à tout homme de vivre la chasteté.