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LE PROFESSEUR LEJEUNE (13 juin 1926 - 3 avril 1994) Chercheur de renommée mondiale, père de la génétique moderne, médecin, scientifique reconnu, catholique fervent. |
Biographie Jérôme Lejeune est né le 13 juin 1926 d'une mère musicienne et d'un père passionné de littérature. Son grand-père vétérinaire fait naître en lui l'émerveillement devant la beauté de la nature. Enfant, Jérôme s'adonne au bricolage et à quelques expériences comme tous les garçons de son âge : il s'élance du premier étage de la maison familiale avec un parapluie en guise de parachute. La lecture du Médecin de campagne de Balzac lui révèle sa vocation de médecin. A 15 ans, le brillant bachelier se lance dans des études de médecine. Il rate à plusieurs reprises le concours d'entrée à l'internat. A la troisième tentative, il part le matin pour passer l'épreuve mais le métro dans le mauvais sens. A son arrivée la salle d'examen est close. Il rentre tout penaud chez lui et renonce à une carrière de chirurgien. Lors d'un stage en pédiatrie pendant ses études de médecine, en tant qu'externe, il entre pour la première fois en contact avec des enfants appelés "mongoliens". Il est bouleversé et n'aura de cesse de trouver l'origine de ce mal tout au long de sa vie. A l'époque on croît que la syphilis est à l'origine du mongolisme : ces enfants si laids portent sur leur visage et dans leur comportement retardé la mauvaise vie de leur mère. On cache ses enfants. Il se passionne pour cette maladie. Comprenant que les scientifiques publient la plupart du temps leurs travaux en anglais, il apprend l'anglais en quelques mois avec la méthode Assimil. Il travaille comme un fou avec Marthe Gauthier qui a appris les techniques de mise à plat de chromosomes. Alors que l'homme a normalement 46 chromosomes (23 issus du père et 23 de la mère), le professeur Jérôme découvre en juillet 1958 que le chromosome 21 existe trois fois chez les enfants appelés "mongoliens". Il décide d'appeler cette maladie la trisomie 21. Cette découverte est la découverte de la première maladie par aberration chromosomique. Le 26 janvier 1959, ce scientifique, déjà célèbre car expert sur les radiations atomiques, rend compte de sa découverte devant l'Académie des Sciences avec Marthe Gauthier et Raymond Turpin. Pendant 8 mois, il a expliqué partout, à qui voulait l'entendre, sa découverte mais il est tout jeune et sa science est toute neuve, on l'écoute en souriant. Après cette publication d'autres découvertes suivront : en 1964, il découvre l'origine de la maladie du cri-du-chat. C'est un défaut sur le chromosome 5 qui entraîne ce cri de tonalité aigu et cette tonalité plaintive chez les personnes atteintes de cette maladie. En 1966, il découvre le "syndrome 18q-" : une profonde arriération mentale constatée chez quelques nouveaux nés qui est due à la perte du bras long du chromosome 18. En 1968, il découvre qu'un chromosome en anneau à la place du chromosome normal 13 est responsable du "phénotype Dr" qui conduit à un certain nombre d'atteintes oculaires. A partir de 1970, beaucoup d'autres malformations génétiques à l'origine de nombreuses maladies, jusqu'alors mystérieuses, sont découvertes par le professeur : des malformations sur les chromosomes 9, 11, 8, 7 Il aurait pu continuer à découvrir encore beaucoup d'autres maladies mais il choisit de s'arrêter pour se consacrer à la trisomie 21. Il est persuadé que s'il comprend celle-ci, s'il parvient à la guérir, il saura guérir toutes les autres maladies dues à des malformations génétiques. "L'habileté du chercheur face à une difficulté c'est de tourner autour, jusqu'à trouver la porte qui s'ouvre." dit-il. C'est, qu'en effet, les difficultés ne manquent pas. Il devient peu à peu un chercheur de renommée mondiale. Il est membre de l'Institut, de l'Académie de Médecine, de l'Académie Pontificale des Sciences, de l'Académie de Lincei, de l'American Academy of Arts and Sciences, de l'Académie Royale de Suède, de l'Académie de Médecine d'Argentine, de l'Université de Santiago du Chili. Il était également Docteur Honoris Causa des Universités de Dusseldorf (Allemagne), Pampelune (Espagne), Buenos Aires (Argentine) et de l'Université Pontificale du Chili. Il fut aussi le premier Président de l'Académie Pontificale pour la Vie, créée par Jean-Paul II en 1994. Médecin, il est sensible à la détresse des enfants handicapés et reste très disponible pour leurs familles. Il donne des milliers de conférences à travers le monde. Ses talents d'orateur et de poète rendent ses connaissances accessibles à un large public. Chef de l'unité de cytogénétique à l'Hôpital Necker des Enfants Malades de Paris, à partir de 1965, sa consultation devient l'une des plus nombreuses du monde. Il étudie avec son équipe plus de 30.000 dossiers chromosomiques et soigne plus de 9.000 personnes atteintes d'une maladie de l'intelligence.
Un père et un mari attentionné A côté de cette vie de chercheur , des heures entières derrière le microscope, à côté de voyages incessants pour expliquer ses découvertes, à côté des crachats qu'il essuyait car il s'était élevé, entre temps, contre l'avortement, à côté de sa méditation de la nature humaine et de l'uvre divine, il aimait sa femme et ses enfants. Il prenait soin, quand il n'était pas parti en voyage, de prendre ses trois repas quotidiens à la maison, renonçant ainsi à ses repas d'affaires si importants pour l'édification d'une carrière. Il cherchait toujours à être présent auprès des ses enfants. Jamais il ne refuse de répondre à une question de ses enfants: "Papa, tu t'es battu pendant la guerre de Cent Ans ?", "Pourquoi on est né ?", "Pourquoi il pleut ?", "Ca sert à quoi les étoiles ?".Il savait tout, il avait la culture d'un honnête homme: il lisait le grec et le latin, il connaissait tous les classiques, il appréciait la peinture et la musique, il se nourrissait de philosophie et de théologie, il était incollable en histoire et particulièrement passionné pour l'Antiquité, il aimait à jouer avec les mathématiques. Il avait enfin un art oratoire formidable. Son talent de poète se conjuguait avec un humour subtil.
Médecin des hommes, médecin des âmes Médecin des hommes, il devient très vite, sans s'en rendre compte, médecin des âmes. Il est sans cesse appelé au service de parents effondrés : au drame de l'enfance handicapée, les parents sont confrontés à une annonce froide, technique, cruelle du diagnostic. "Votre enfant est un monstre, il aurait mieux valu pour lui, qu'il ne vive pas." Il est appelé à toute heure du jour et de la nuit. Jamais il ne baissera les bras, il fera toujours preuve de détermination et de force. Il aimait terminer ses discours par ces mots : "Nous n'abandonnerons jamais". Un autre combat va mobiliser beaucoup d'énergie : celui contre l'avortement. En 1972 une première proposition de loi, la proposition Peyret, ouvre les débats sur l'avortement uniquement pour les handicapés détectés avant la naissance (ce qui était condamné depuis 1920). Les seuls que l'on pouvait à l'époque reconnaître avant la naissance, ce sont justement les trisomiques grâce aux travaux du Professeur Lejeune et du Professeur Liley, qui avait inventé la technique du diagnostic prénatal. Le détournement de leur inventions pour assassiner les enfants à naître fera beaucoup souffrir les deux professeurs. Un enfant trisomique, ayant entendu parlé de ce projet de loi, se jette au cou du Professeur Lejeune et s'exclame : "On veut nous tuer. Il faut que tu nous défendes. Nous on est trop faibles et on ne saura pas." Le Professeur Lejeune prend alors la défense inlassablement de l'enfant à naître, entre autre à l'ONU où il était, nous l'avons dit, expert en radiations atomiques. C'est un tournant décisif dans sa vie et dans sa carrière. Il est conspué, rejeté. Il a commis le délit d'opinion mais il ne cède pas. Il proclame haut et fort : "La génétique moderne se résume à un credo élémentaire qui est celui-ci : au commencement, il y a un message, ce message est dans la vie et ce message est la vie." Il démontre à qui veut l'entendre que ce petit d'homme dans le sein de sa mère, est un homme. C'est alors l'époque des inscriptions sur les murs de la faculté de médecine "Lejeune assassin - Il faut tuer Lejeune" ou bien "Il faut tuer Lejeune et ses petits monstres". A la suite de cette prise de position forte dans le débat qui s'est ouvert sur l'avortement, il essuie de nombreuses vexations. Il n'est plus jamais invité dans des congrès de génétique international. Il est la cible de contrôle fiscal sur contrôle fiscal. Il est malmené dans les meetings. "Je ne combats pas les hommes, je combats les idées fausses" dit-il. Il refuse le soit disant dilemme des médecins catholiques : soit ils acceptent d'effectuer des avortements et alors, tel Hérode, ils massacrent des innocents; soit ils refusent de soulager les familles et, tel Pilate, s'en lavent les mains. A ce faux dilemme dans lequel on tente à l'époque d'enfermer les médecins catholiques, il rappelle qu'un victoire sur la maladie est toujours possible. En 1974, il devient membre de l'Académie Pontificale des Sciences, chargée d'éclairer le Saint-Père sur les connaissances scientifiques les plus récentes. Très fier de cette fonction, il est heureux d'être au service de l'Eglise. Il est également membre actif du Conseil Pontifical de la Santé. En 1988, il prononce un discours magnifique devant les évêques, à Rome. Il déclare alors aux Pères Synodaux: "On agitera devant vous le spectre de la science prétendument bâillonnée par une morale dépassée, on lèvera contre vous l'étendard tyrannique de l'expérimentation à tout va Evêques, n'ayez pas peur. Vous avez les paroles de vie." En 1994, le Saint-Père le nomme premier président de l'Académie Pontificale pour la Vie. Il le sera 33 jours. "Le Pape a fait un acte d'espérance en nommant un mourant". Il dira quelques jours avant sa mort : "Je meurs en service commandé". Tout au long de sa maladie, le Pape prend de ses nouvelles. Le Saint-Père lui envoie même un télégramme la veille de sa mort pour la veillée pascale. Le Professeur Lejeune avait une foi discrète mais on sentait qu'elle l'habitait. Il avait un esprit chercheur qui s'extasiait devant l'ingéniosité et la complexité de l'univers. Il est heureux de retrouver par ses recherches scientifiques, une confirmation de son inspiration "Tout vient de Dieu".
La fin de sa vie En septembre 1993, il revient essoufflé d'un voyage en Savoie au cours duquel il avait donné des conférences. Le mois suivant, il a une toux lourde, étouffante, une voix altérée mais un ineffable sourire. Les médecins lui annoncent un cancer du poumon avancé. A ses proches, il dit "'Ne vous inquiétez pas jusqu'à Pâques. Je vivrai en tout cas jusque-là". Il est soigné par les professeurs Chrétien et Israël. Sans perdre son humour, il s'exclame "Je suis soigné par Chrétien et Israël, toute la Bible de la médecine. Je suis entre de bonnes mains". Mais les traitements n'y font rien. Il reste chez lui, épuisé. Il ne sort qu'une seule fois, pour soutenir la candidature de sa plus fidèle collaboratrice : Marie Odile Réthoré à l'Académie de Médecine. Elle y sera d'ailleurs la première femme après Marie Curie. Il demande un entretien avec le premier Ministre Edouard Balladur lors des débats sur la bioéthique mais l'entretien ne lui sera pas accordé. Il veut à tout prix protéger les embryons vivants de manipulations génétiques. Au moi de mars, il reçoit les premiers traitements aux rayons mais les poumons ne résistent pas. La situation s'empire peu à peu. Il reçoit le sacrement des malades vendredi saint. Samedi, il reçoit la visite de ses frères et surs. Il entre en agonie le dimanche de Pâques, à 4h du matin. Le Pape, qui avait envoyé un télégramme d'affection la veille, apprend sa mort une heure après. Dans le chur de Notre-Dame, lors de la cérémonie religieuse, Bruno, trisomique 21, prend le micro : "Merci, mon professeur, pour ce que vous avez fait pour mon père et ma mère. A cause de vous, je suis fier de moi." Le 4 avril 1994, le Saint-Père écrit : "Le professeur Lejeune [ ] est devenu l'un des défenseurs ardents de la vie, spécialement de la vie des enfants à naître, qui, dans notre civilisation contemporaine, est souvent menacée. [ ] Il a pleinement assumé la responsabilité particulière du savant, prêt à devenir un "signe de contradiction", sans considération des pressions exercées par la société permissive. [ ] Nous nous trouvons aujourd'hui devant la mort d'un grand chrétien du XXème siècle, d'un homme pour qui la défense de la vie est devenue un apostolat. [ ] Nous désirons remercier Dieu aujourd'hui, lui l'Auteur de la vie, de tout ce que fut pour nous le professeur Lejeune, de tout ce qu'il a fait pour défendre et pour promouvoir la dignité de la vie humaine. [ ] Que la vérité sur la vie soit aussi une source de force spirituelle pour la famille du défunt, pour l'Eglise en France et pour nous tous, à qui le professeur Lejeune a laissé un témoignage véritablement éclatant de sa vie comme homme et comme chrétien." ________________________________
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